Vous avez un plan innovation. Un budget. Des KPIs. Mais rien ne décolle ?
Vous avez testé un POC, nommé un champion de l'innovation, mis en place une cellule transverse. Et pourtant, vos équipes ne s’approprient rien ?

À chaque fois, ça bloque. Lentement. Silencieusement. Les idées s’étiolent. Les "priorités" les étouffent. L’énergie initiale s’évapore.

Et si le problème ne venait pas des idées... mais de la manière dont vous les gérez ?

L’innovation réelle : imprévisible, collective, souvent inattendue

Prenons deux exemples concrets.

Slack : quand l’échec devient un tremplin
Slack, l’un des outils collaboratifs les plus utilisés au monde, est né... d’un échec. Ses fondateurs développaient un jeu vidéo, qui n’a jamais vu le jour. Mais en interne, ils avaient conçu un outil de messagerie pour mieux collaborer. C’est ce prototype, conçu pour un usage interne, qui deviendra leur produit principal.

L’innovation n’était pas dans leur objectif. Elle était dans un détour fécond.

Le Post-it : une erreur qui colle
Chez 3M, un chercheur invente une colle... qui colle mal. Échec ? Pas tout à fait. Un collègue, musicien amateur, s’en sert pour marquer ses partitions sans les abîmer. De là naît le Post-it. Une fonctionnalité "ratée", réinterprétée avec bon sens.

L’innovation était dans l’écoute d’un besoin auquel personne ne pensait.

Voyons maintenant deux situations très concrètes, issues d’organisations qui avaient “tout bien fait” – mais sans résultats.

Une PME industrielle face à un mur
Une PME industrielle du secteur agroalimentaire avait investi dans un outil de gestion de l'innovation. Workshops, post-its, roadmap. Mais au bout d'un an, aucune idée n'était sortie du lot. Pourquoi ? Parce que tout était calibré, validé, contrôlé. Rien n'était laissé au doute, ni au test.

Trop de cadre, pas assez de courage. Le processus étouffait le potentiel.

Une équipe marketing qui applique le plan au lieu d'explorer
Dans une entreprise de services, une équipe marketing conçoit une campagne « innovante »... qui ressemble à toutes les autres. Pourquoi ? Parce que le plan avait été validé par 3 comités, chaque message testé, chaque visuel optimisé. Au final : un résultat lisse, oubliable, et un goût d'inachevé.

Quand on applique des recettes connues à des terrains inconnus, on obtient des non-idées.

L’innovation n’est pas une ligne droite

Dans les entreprises, on applique souvent à l’innovation les outils de la gestion classique : objectifs, KPIs, process, ROI. C’est utile pour optimiser. Mais dangereux pour créer.

Or, l’innovation opère dans l’incertain. Elle ne suit pas une logique d’exécution, mais une logique d’exploration.

On pense que l’innovation consiste à trouver la bonne idée. En réalité, elle consiste surtout à reconnaître, soutenir et faire mûrir des idées imparfaites.

Et non, un hackathon d’une journée ne crée pas une culture d’innovation. Pas plus qu’un comité mensuel de pilotage. L’émergence ne se pilote pas avec un Gantt chart.

Une autre logique : cultiver, pas contrôler

Adoptez une posture évolutionnaire et formez vos équipes à l’exploration

La planification rigide rassure, mais elle bride. Pour innover, il faut adopter une posture plus évolutionnaire et narrative.

Innover, c’est écrire un livre chapitre par chapitre, en laissant les lecteurs réagir en cours d’écriture.

Ce changement ne se décrète pas. Il s’incarne, il se modélise, il se transmet.

• Clarifiez les principes : droit à l’erreur, test rapide, culture du feedback

• Créez des espaces d’essai, de prototypage libre

• Valorisez les signaux faibles, les tentatives non transformées

Une culture d’innovation durable repose moins sur des idées brillantes que sur des conditions fertiles et reproductibles.

Devenez facilitateur·rice, pas propriétaire

Votre rôle n’est pas d’avoir toutes les idées. C’est de créer les conditions de leur apparition.

Comme un·e jardinier·ère :

• Choisissez la terre : le bon contexte, les bons enjeux, le bon tempo

• Protégez les pousses : soutenez les projets naissants, même s’ils sont imparfaits

• Favorisez la pollinisation : encouragez les croisements entre métiers et idées

• Laissez la biodiversité s’épanouir : ne standardisez pas trop vite ce qui émerge

L’innovation ne se gère pas. Elle se soigne.

Je terminerai avec un dernier exemple que vous connaissez peut-être ? Dans une grande entreprise technologique, un manager a ajouté un bouton "Envoyer un compliment" sur l’intranet. Sans projet. Sans objectif. Juste une intuition.

En quelques mois, la dynamique d’équipe a changé. Moins de tensions. Plus de collaboration. L’effet a été plus profond que certains programmes RH millionnaires.

Parfois, c’est le geste le plus simple qui enclenche la plus grande transformation.

Ce que cela nous dit sur l’innovation... et sur vous

Dans beaucoup d’organisations, l’innovation est encore gérée comme un plan :
On définit un objectif, un budget, des indicateurs... puis on déroule.

C’est efficace pour optimiser mais selon moi, inefficace pour créer.

Pourquoi ? Parce que l’innovation est :

• Imprévisible (vous ne savez pas d’où viendra la bonne idée)

• Incrémentale (elle progresse par ajustements)

• Collective (elle ne vient pas uniquement du sommet)

Pour innover durablement, il ne suffit pas d’organiser un processus.
Il faut changer de modèle mental.

Et peut-être commencer... par porter un regard différent sur ce qui pousse déjà dans les marges.

Une dernière chose

L’innovation n’a pas besoin d’un plan parfait.
Elle a besoin d’un regard neuf. Et ce regard, vous pouvez le poser dès aujourd’hui.